lundi 22 janvier 2007

innovation, connaisances et externalités

On a vu précédemment que l’innovation engendre des revenus mais implique également des coûts. En effet, l’investissement en R&D présente la particularité d’être un coût fixe c'est-à-dire un montant indépendant de la quantité produite du bien. C’est pour cette raison que les néoclassiques associent l’innovation au surprofit nécessaire pour rembourser ce coût fixe.

Ces coûts fixes peuvent être amortis par des économies d’échelles, particulièrement par le biais de l’apprentissage par la pratique (Learning by doing) qui permet à la firme d’acquérir un avantage dans la production et par conséquent de baisser les coûts qui y sont liés.

En plus des coûts fixes, les investissements en R&D se caractérisent par d’autres coûts dits coûts irrécouvrables (Sunk costs). Cela signifie que les projets d’innovation, engagent souvent des équipements et des équipes spécifiques impossible de couvrir, si les projets ne réussissent pas.

C’est ce qui distingue la recherche d’autres investissements. Mais il faut garder à l’esprit que les investissements en R&D représentent une fraction minoritaire des dépenses d’innovation ; on a les dépenses liées aux brevets et licences, au design, à l’analyse du marché et autres.

La R&D intervient au stade de l’invention et sert à la production d’informations et de connaissances. D’après le modèle d’Arrow (1962), l’activité de R&D est une source d’externalités.

Ce modèle explique qu’une firme qui investit en R&D, produit de nouvelles informations scientifiques et techniques, ces dernières difficiles à contrôler échappent à l’entreprise et fuitent vers l’activité de R&D des autres firmes. On parle alors de Spillovers qui se traduisent économiquement par le phénomène d’externalités, c'est-à-dire une activité de A qui profite à d’autres acteurs sans contrepartie de rémunération pour A.

Le problème économique de l’information est donc sa révélation et sa protection. Et celui des spillovers d’informations est que l’économie en profite gratuitement. En effet, lorsque la R&D d’une firme A bénéficient gratuitement à ses concurrents, A n’est plus incitée à investir en R&D. On dit alors que la conséquence des spillovers est une inefficacité dans l’allocation des ressources c'est-à-dire que les firmes investissent peu ou trop en R&D par rapport à ce qui serait optimum pour l’économie.

Pour résoudre ce problème, il faut que la firme qui investit en R&D soit rémunérée pour la totalité des bénéfices que son activité engendre. Les possibles solutions sont :

1. Subventionner l’entreprise par l’Etat
2. Définir des droits de propriété sur les résultats de la R&D de la firme. En pratique, une firme dépose un brevet pour contrôler l’utilisation de l’information, la vendre, vendre le droit d’usage à des tiers (ex : licence)
3. Regrouper / fusionner les entreprises qui font de la R&D et celles qui en bénéficient (ex : consortium de R&D)
4. Confier la R&D au secteur public…

La connaissance, elle, possède quelque chose de plus que l’information, elle renvoie à la capacité que donne la connaissance à engendrer et inférer de nouvelles connaissances et informations. Ainsi la connaissance est fondamentalement une capacité d’apprentissage et une capacité cognitive, tandis que l’information reste un ensemble de données formatées et structurées inertes ne pouvant pas engendrer de nouvelles informations.
On comprend que la reproduction de la connaissance et celle de l’information sont des phénomènes différents. Lorsque l’une se fait par apprentissage, l’autre s’effectue par simple duplication.

Le fait de distinguer connaissance et information conduit à différencier les problèmes économiques relatifs à ces deux notions. Pour la connaissance, il s’agit principalement du problème de sa reproduction (problème d’apprentissage), tandis que la reproduction d’une information ne pose pas de problème (une simple photocopieuse permet de reproduire une information). Le problème économique de l’information est comme on l’a déjà vu celui de sa révélation et de sa protection.

Comment produire de la connaissance ?

  • Par l’activité de R&D : une activité « à distance » de la production et de l’usage dont l’objectif est la création délibérée de connaissances. Cette activité est caractérisée par le fait d’être située « à une certaine distance » des lieux de production et de consommation. Une distance qui peut être à la fois spatiale, temporelle et institutionnelle et qui est nécessaire pour que s’épanouisse l’habilité de ceux qu’on nomme savants ou théoriciens, dont la profession est de ne rien faire, mais de tout observer, et qui par cette raison se trouvent en état de combiner les forces des choses les plus éloignées et les plus dissemblables.
  • Par l’apprentissage : une activité « jointe » à la production et à l’usage. N’importe quelle activité de production ou d’usage d’un bien peut donner lieu à l’apprentissage et donc à produire de nouvelles connaissances. Il s’agit de formes non délibérées de production de connaissances : learning by doing, learning by using, learning by interacting

    Codifier la connaissance est primordial pour sa diffusion

La connaissance a une dimension tacite importante qui rend les opérations de recherche et accès, de stockage, d’échange et de transaction difficiles, voire impossibles à réaliser. Les connaissances tacites sont non exprimables hors de l’action de celui qui les détient.

  • Les connaissances tacites ne peuvent être ni classées ni répertoriées.
  • Leur stockage et leur mémorisation sont conditionnés par le renouvellement (de génération en génération) des personnes qui les détiennent.
  • L’échange, la diffusion et l’apprentissage de connaissances tacites supposent la mobilité et la démonstration volontaire des personnes qui les détiennent.

Donc réduire ces difficultés implique la codification des connaissances. C’est le processus de conversion d’une connaissance en un message qui peut être manipulé comme de l’information.

Les propriétés qui font de la connaissance un bien économique

Un bien difficilement contrôlable qui génère des externalités : on dit que la connaissance est un bien non exluable difficile de la rendre exclusive et de la contrôler de façon privée. C’est un bien fluide et portable. Les occasions de fuite sont très nombreuses, en effet les connaissances échappent en permanence aux entités qui les ont produites et ensuite les concurrents les utilisent gratuitement. Et c’est ce qui se traduit par les externalités positives pour désigner cet impact positif sur des tiers, desquels il est difficile d’obtenir une compensation.

Un bien non rival : la connaissance est inépuisable car elle ne se détruit pas par l’usage. Cette propriété a deux dimensions :

  • Un agent peut recourir une infinité de fois à la même connaissance.
  • Une infinité d’agents peut utiliser la même connaissance sans que personne n’en soit privé.

Un bien cumulatif : la connaissance est cumulative et progressive. Ceci signifie ce que les externalités renforcent, ce n’est pas seulement la jouissance des consommateurs mais surtout l’accumulation de la connaissance et le progrès technique par l’innovation.

Le cumul de ces trois propriétés est à l’origine de l’importance des externalités de l’activité de R&D et de l’innovation et inscrit celle-ci comme un fondement essentiel de la croissance économique.

ICHRAQ OUAZZANI

Etudiant Chercheur

Master 2 Recherche: Théorie et pratique de l'innovation

Université PARIS DAUPHINE

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