lundi 1 janvier 2007

La finance : de l'approche cartésienne à la théorie des jeux

La finance s’intéresse à la façon dont l’épargne des investisseurs est allouée à travers le système monétaire et financier aux entreprises qui l’utilisent pour financer leurs activités.

Au niveau académique et de la recherche, on effectue souvent une séparation entre les différentes branches de la finance par application de l’approche cartésienne qui consiste à parcelliser un problème le plus finement possible pour le résoudre. Ainsi, on retrouve qu’il existe plusieurs problématiques, chacune limite les frontières d’une branche de la finance.

La finance de marché (ou bien la gestion de portefeuille) s’intéresse à identifier les critères selon lesquels on doit répartir notre fortune sur les différents actifs financiers et non financiers pour maximiser nos gains.

On distingue entre les critères classiques (Savage, Laplace, Hurwiz, etc.) avec les méthodes d’évaluation d’actifs se basant sur l’actualisation et les modèles économétriques et le critère de risque qui a changé notre perception de la finance de marché.

Aujourd’hui, les derniers travaux qu’on classe dans la finance de marché sont en psychologie de marché (La théorie des perspectives de Vernon & Tvesky).

La finance d’entreprise, quant à elle, s’intéresse à identifier les critères selon lesquels on doit décider de la structure financière et par la même occasion de la politique financière.

Dans cet article, on ne va pas étendre notre réflexion aux autres branches de la finance mais on va se limiter à ces deux branches qu’on juge complémentaires à savoir la finance d’entreprise et la finance de marché et dont la séparation conduit à la paupérisation des conclusions.

En rejetant l’approche cartésienne, la théorie des jeux apparaît comme un outil intéressant qui, au lieu d’effectuer une parcellisation identique à celle cartésienne, s’occupera d’étudier des situations incluant l’ensemble des participants.

Tout d’abord, on fera un petit rappel de la théorie des jeux sans toutefois plonger dans son contenu. Par la suite, on va examiner l’apport de la théorie des jeux en finance.

La théorie des jeux :

La théorie des jeux est un ensemble d’outils analytiques permettant de formaliser des situations de décision qui regroupent des agents stratégiquement interdépendants qui s’influencent les uns aux autres et qui en ont conscience.

L’utilisation de la théorie des jeux ne garantit pas la victoire mais elle constitue un cadre de réflexion stratégique. Contrairement à la théorie de décision individuelle qui se préoccupe de la maximisation des gains d’une personne sans prendre en considération la stratégie des autres parties, la théorie des jeux s’intéresse à l’étude des différentes stratégies que l’autre partie pourrait adopter et en confrontant celles-ci avec nos stratégies, on définit celle qui nous permet de maximiser nos gains.

La théorie des jeux est plus une approche qu’une théorie, elle est appliquée dans divers domaines. Le cabinet Mc Kinsey de conseil en stratégie utilise cette approche. John Stuckey & David White (deux consultants) déclarent :

“To help predict competitor behavior and determine optimal strategy, our consulting teams use techniques such as pay-off matrices and competitive games.”

“Pour aider à prédire le comportement des concurrent et déterminer la stratégie optimale, nos équipes de consultants utilisent des techniques comme la matrice des gains et les jeux non coopératifs”

La formalisation de situations de conflits a commencé par la création de jeux de société : jeux de dames, d’échecs, etc. Les règles de ces jeux sont établies conventionnellement et représentent de façon abstraite les possibilités offertes aux acteurs représentés. L’étude de ces jeux a intéressé des mathématiciens et des philosophes comme PASCAL, BERNOUILLI, BOREL.

Les apports de Von Neumann et Morgenstern mais surtout celui de Nash ont pu donner un énorme coup de pouce à la théorie des jeux. Voici l’ensemble des apports qui ont donné naissance à la théorie des jeux :

  • Cournot (1838) : équilibre en duopole ;
  • Darwin (1871) : biologie évolutionniste, sélection naturelle ;
  • Zermelo (1913) : positions gagnantes dans le jeu d'échec;
  • Emile Borel (1921) : stratégie mixte (aléatoire) ;
  • Von Neumann et Morgenstern (1944), \Theory of Games and Economic Behaviour";
  • Nash (1950b, 1951) : notion d'équilibre, jeux généraux;
  • Nash (1950a, 1953) : solution de négociation ;
  • Shapley (1952, 1953) : "cœur" et valeur d'un jeu coopératif;
  • Selten (1965, 1975) : raffinements d'équilibre ;
  • Harsanyi (1967, 1968) : information asymétrique.
  • Yisrael Aumann (2005), prix Nobel en économie.

Quelques concepts de base de la théorie des jeux :

Loin de vouloir reprendre le contenu de la théorie des jeux, j’aimerai toutefois définir quelques concepts clés pour le public non averti.

a. Un jeu est une situation d’interaction stratégique qui détermine les contraintes pesant sur les actions (stratégies) que les joueurs peuvent choisir.

b. Une solution est la description systématique des situations qui peuvent émerger comme le résultat d’une famille de jeux.

On peut classer les jeux sur la base de trois dimensions basées :

  • Le type de relation entre les agents (coopératif, non coopératif) ;
  • Le déroulement dans le temps (simultané, séquentiel)
  • L’information dont disposent les agents (information parfaite, imparfaite et complète, incomplète)

Les jeux non coopératifs sont les jeux dont les éléments de base sont les actions des joueurs individuels (conflit d’intérêt entre les joueurs) ;

Les jeux coopératifs sont les jeux basés sur les actions jointes d’un groupe de joueurs.

Un jeu simultané est le modèle d’une situation où chaque joueur choisit son plan d’action complet une fois pour toute au début du jeu.

Un jeu séquentiel spécifie le déroulement exact du jeu. Chaque joueur considère son plan d’action chaque fois qu’il doit effectivement prendre une décision pendant le déroulement du jeu.

Un jeu avec information imparfaite si au moins un ensemble d’information contient plus d’un nœud;

Un jeu avec information parfaite si chaque ensemble d’information est réduit à un seul nœud.

Apport de la théorie des jeux en finance :

Au lieu d’étudier chaque branche à part, on propose d’étudier les opérations effectuées au niveau du système monétaire et financier en général et plus particulièrement au niveau du marché financier comme des jeux, ce qui nous permettra de confronter les stratégies des joueurs et avoir de meilleures conclusions.

Ainsi, on peut citer trois types de jeux qui existent au niveau d’un marché boursier:

  • Les jeux entre investisseurs et entreprises cotées en bourse ;
  • Les jeux entre investisseurs eux-mêmes ;
  • Les jeux entre entreprises cotées elles même.

Les jeux entre investisseurs et entreprises cotées en bourse :

Selon Franklin Allen dans « Finance Applications of Game Theory », l’application de la théorie des jeux en finance se manifeste par deux théories à savoir la théorie d’agence et la théorie de signal.

En ce qui concerne les jeux entre investisseurs et entreprises cotées en bourse, la théorie de signal est la conception qui décrit le mieux ce type de jeux.

Les dirigeants des entreprises sont mieux informés sur la qualité et perspectives de leur entreprise que les investisseurs (nouveaux actionnaires ou créanciers), ainsi face à ce type de jeux, les investisseurs sont tenus de détecter les signaux (informations) qui aideront à définir le profil de l’entreprise.

On distingue entre 3 types de modèles à savoir les modèles de signalisation par les dividendes, les modèles de signalisation par le niveau d’endettement ainsi que les modèles d’augmentation de capital.

Chaque modèle étudie la réaction des investisseurs face à ces signaux. Dans cet article, on va étendre la notion de signal à toute information utile qui permet d’identifier les perspectives d’une entreprise. Je cite l’exemple d’Addoha au Maroc qui, après l’annonce des investissements projetés dans la capitale marocaine, a vu son cours se multiplié par 5 durant une période d’un mois et demi.

Cette approche a discrédité les modèles théoriques et les modèles économétriques du moment que la matière première d’un marché financier est l’information qui est une sorte de signal sur les perspectives d’une société. Cette approche qui se trouve validée empiriquement, conduit à rejeter le chartisme catégoriquement.

Un gestionnaire de portefeuille devrait être plus attentif aux informations sur les entreprises. Il s’intéressera à anticiper la réaction des investisseurs vis-à-vis de chaque information avant de décider s’il doit acheter ou céder un titre.

Les sociétés sont conscientes de l’impact des signaux qu’elles émettent sur l’évolution de leurs cours, d’où l’intérêt de les maitriser.

Les jeux entre les investisseurs eux-mêmes :

Une fois les investisseurs sont convaincus par les bonnes perspectives d’une société et de son titre, il n’est pas aisé d’acquérir le titre dans la mesure où toute vente ou achat ne se fait qu’une fois la demande et l’offre s’égalisent et que l’ordre se trouve en tête de fil.

Un investisseur a intérêt d’acheter à un prix inférieur et de vendre à un prix supérieur au dernier cours de la journée pour pouvoir battre le benchmark et pour cela il a affaire à d’autres investisseurs. L’investisseur qui gagne le plus est celui qui maîtrise l’art du Market timing (savoir quand est ce qu’il pourra vendre et quand est ce qu’il pourra acheter).

Les jeux entre les entreprises elles même :

Les entreprises cotées sont en concurrence ce qui veut dire que si un titre est non liquide, l’entreprise émettrice du titre pourrait annoncer des informations qui intéresserait les investisseurs améliorant ainsi la liquidité de leurs titres. Toutefois, cette opération ne doit pas coïncider avec celles d’autres titres plus attractifs. Ce qui impose à ce type d’entreprise de savoir choisir le timing d’une telle opération.

Une telle opération pourrait se faire lorsque le marché est en régression et qu’il n’y a aucun titre qui est attractif.

La théorie des jeux est un moyen qui permet de joindre deux branches de la finance qui se complémentent pour avoir une vision plus complète et des conclusions plus convaincantes.

Les formules mathématiques ne sont plus d’actualités, on retrouve dernièrement des recherches qui relèvent de l’économie expérimentale notamment avec la théorie des perspectives de Vernon et Tvesky.


AHMED TAHIRI JOUTI
ETUDIANT CHERCHEUR
DESA FINANCE AUDIT ET CONTROLE DE GESTION
ENCG TANGER

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Monsieur AHMED TAHIRI JOUTI ,

Je suis étudiant en gestion économie a la faculté des sciences juridiques économiques sociales de Meknes, ainsi je prépare mon mémoire de fin d étude sous le thème : Les outils d aide à la décision : Aperçu sur la théorie des jeux , après avoir consulter vas articles concernant La finance : de l'approche cartésienne à la théorie des jeux sous le site www.knowledge-area.blogspot.com ,je vous serez reconnaissant si vous voudrez bien me faire parvenir d une documentation concernant l application de la théorie des jeux au sein des entreprises marocaines


Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mon profond respect.

voici mon e-mail:hichamo0306@yahoo.fr
HICHAM CHADLI